Comme nous l’avons vu dans nos articles précédents, l’intérêt de l’enfant est central pour les tribunaux et, lorsqu’il s’agit de filiation, à savoir du lien juridique qui unit un enfant et ses parents, il en va de même.

Selon les circonstances, on reconnaît un « statut de père juridique » au père non biologique de l’enfant lorsque celui-ci a la possession constante d’état.

La possession constante, qu’est-ce que cela signifie ?

La possession constante d’état est le fait de s’occuper d’un enfant comme le sien depuis sa naissance et d’être reconnu publiquement comme étant le parent de cet enfant. Les tribunaux reconnaissent une possession constante d’état lorsque cette personne exerce ce rôle depuis une période de 16 à 24 mois dès la naissance.

Possession constante et acte de naissance

Ce lien entre le parent et l’enfant devient inattaquable lorsque le nom du parent qui exerce la possession constante d’état depuis 16 à 24 mois apparaît également à l’acte de naissance de l’enfant.

En raison de la stabilité du lien de filiation, de la primauté de l’intérêt des enfants et afin de préserver la paix des milieux familiaux, peu importe la situation familiale (parents mariés, conjoints de fait, parents séparés, enfant né d’une aventure d’un soir, etc.), lorsque le parent répond aux critères de la jurisprudence concernant la filiation, son lien avec l’enfant sera inattaquable, et ce, même en présence d’un test d’ADN qui confirme qu’un tiers serait le père biologique de l’enfant.

En d’autres termes, les liens juridiques ont préséance sur les liens de sang dans cette situation.

Possession constante et acte de naissance muet

Lorsqu’aucun père n’est déclaré à l’acte de naissance de l’enfant, les tribunaux se baseront sur le critère de la possession constante d’état pour déterminer la filiation entre le père et l’enfant.

Ainsi, contrairement à un père dont le nom apparaît sur l’acte de naissance et qui exerce la possession constante d’état, celui dont le nom n’apparaît pas à l’acte de naissance de l’enfant ne bénéficiera pas d’un lien de filiation inattaquable avec l’enfant.

Dans un cas où un père biologique et un père par possession constante d’état revendiquent leur lien de filiation, la Cour a établi que, généralement, la possession constante d’état aura priorité sur les liens de sang.

Cette approche peut paraitre inéquitable quand on pense au père biologique qui apprend tardivement qu’il a un enfant, qu’il n’a jamais fait partie de sa vie et ne retrouvera jamais son nom comme père sur l’acte de naissance de l’enfant. Aux yeux de la Cour, la personne qui fait partie du quotidien de l’enfant et qui agit comme figure paternelle, sans lien de sang, sera plus susceptible d’être reconnue comme père de l’enfant.

Certains auteurs ont traité de la question du « vrai père ». Nous songeons à la trilogie de Marius, Fanny et César de Marcel Pagnol et le passage où Marius dit « Mais non de dieu, qui est le père ? Celui qui a donné la vie ou celui qui a payé les biberons? » et le père de Marius répond : « Le père c’est celui qui aime ». En somme, la filiation est un sujet qui évolue avec la société et les avancées médicales. Un enfant conçu in vitropost mortem de son père peut-il indiquer le nom de son feu père? Qu’en pensez-vous?